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le blog insolite de Christian Godard
10 décembre 2013

DOC VETO, QUELQUES EXTRAITS

 

Il se trouve que, par le plus grand des hasards, j'ai retrouvé aujourd'hui un texte écrit lors de l'annonce de la disparition de mon ami de toujours Guy Vidal, qui était à l'initiative de la série DocVeto. Ce texte, le voici...

 

<<Je connais Guy depuis toujours ou presque.

Pour moi, "toujours", ça commence à l'époque où le journal a été créé. Le journal de Pilote, bien entendu. J'étais du numéro zéro. J'y illustrais une histoire qui traînait, refusée, dans l'un des tiroirs de Goscinny. À cette époque, on refusait du Goscinny, mais oui.  Trente petites planches, que j'ai réalisées du mieux que je pouvais à l'époque, et on s'est hâté de m'oublier. À juste titre. Un peu de temps a passé, et Charlier m'a rappelé. C'est  alors que j'ai vu arriver Guy. C'était en 63, je crois.  Il était un petit jeune homme mince, souriant, et timide, très authentiquement timide. Et modeste, très authentiquement modeste. Je ne sais pas si ce sont des qualités ou des défauts. Je veux dire par là que tout dépend du point de vue où l'on se place, et, dans ce métier, ce sont des défauts. Il les a conservés jusqu'à la fin. Ça a toujours été l'homme le plus gentil et le plus dénué d'agressivité que j'aie jamais rencontré dans ce milieu.  Je ne me souviens pas l'avoir jamais surpris en colère contre qui que ce soit. Et pourtant, les XXX(censuré) ne manquent pas. À chaque fois que nous déjeunions ensemble, on ne parlait pratiquement pas boulot. Bien que je lui aie toujours connu ce petit sourire complice au coin de l'œil, et cet air de n'être dupe de rien, il était toujours sérieux, grave, mais à demi-mot. Il savait écouter, ce qui est rarissime dans un périmètre où chacun est perpétuellement occupé à couvrir la voix de son voisin. Il est sans doute celui, dans ce métier, auquel j'ai confié le plus de ce qui relève de mon intimité. Je me souviens d'un moment de ma vie où j'allais mal. Il le savait.  À chaque fois qu'on se voyait, il m'interrogeait: "Alors, comment ça va?" avec, dans l'œil, une petite lueur insistante qui voulait dire "Ce n'est pas une question de pure forme, hein, Christian". Et n'insistait jamais. Je l'aimais beaucoup pour cette complicité-là, discrète.

Il y a peu de temps, au cours d'une entrevue, je n'avais pu m'empêcher d'être véhément avec lui. Je lui avais dit: "De la part de cette maison, une telle désinvolture est impardonnable !". Je faisais mention de faits qui me concernent et qui n’ont pas leur place ici. Ce mot, désinvolture, l'avait profondément blessé. Pour lui, c’était une insulte. "Non, Christian! Je voudrais que tu retires désinvolture." Je n'avais rien retiré. Il avait pris ma réflexion pour lui. C'était une erreur. Je parlais de la maison qu'il représentait. Peu après, il m'a envoyé une petite carte. Elle disait: "Je voudrais que tu m'appelles." Je n'ai pas appelé. Il a laissé passer un mois. Puis a laissé un message sur mon répondeur. "Christian, comme tu le sais, je serai de moins en moins souvent chez Dargaud, désormais.  J'aimerais qu'on se voie, qu'on se parle.  Je ne voudrais pas partir en sachant que tu es fâché contre moi." Je l'ai rappelé tout de suite, cette fois.  Bien sûr que non, on n'était pas fâchés. Jamais de la vie. Je lui ai proposé qu'on déjeune ensemble, quand il le voudrait. Un coup de fil et j'arrive. Je me souviens de ma dernière phrase, avant de raccrocher: "Moi aussi je veux te revoir avant que tu partes vers de nouvelles aventures..." Il a eu un petit rire triste.

C'était quelques jours avant. Avant qu'il nous quitte.

Il savait sûrement qu'il courait un grand risque en montant sur le billard.  "Je ne voudrais pas partir en sachant que tu es fâché contre moi."

Je sais ce qu'il voulait dire, maintenant.

Guy, il est tout entier dans cette phrase-là.>> 

(La désinvolture à laquelle je fais allusion avait justement trait à notre travail ci-dessous, à Achdé et moi...)

 

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Commentaires
M
Guy Vidal, je l’ai connu juste le temps de savoir qu'il était extraordinaire, une personne rare.
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P
Quand cela c'est il passé s'il vous plait ? après l'ère Goscinny ou pendant ? <br /> <br /> Je ne savais rien de Mr Vidal au niveau personnel .
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