HEUREUX ANNIVERSAIRE À NORBERT ET KARI

Cette semaine marque l’anniversaire de la naissance de NORBERT & KARI.

En effet, il y a tout juste soixante ans que Jean-Michel CHARLIER, co-rédacteur en chef de Pilote et principalement en charge des séries d’aventures réalistes, m’a demandé de m’atteler à une série en tant qu’auteur complet.
« Vous êtes prêt, maintenant ! », me dit cet excellent homme, qui m’a toujours témoigné une sympathie et une courtoisie professionnelle inégalables.

J’avais déjà dessiné dans les pages de Pilote « Jacquot le Mousse », une série qui ne connut qu’une seule brève aventure à suivre, avec Goscinny aux textes, puis, en solo, le temps de quelques épisodes, « L’agent secret É-1000 », ainsi que « Tromblon & Bottaclou », à nouveau avec Goscinny au scénario.

Mais je ne m’étais pas encore lancé dans une série vraiment personnelle, en m’y consacrant sérieusement.

Jusqu’alors, j’aspirais plutôt à faire mes preuves dans un tout autre domaine, celui de ce qu’on nommait alors le roman populaire, autrement dit le polar. C’est une autre histoire !

Mais revenons au journal Pilote. Ayant ainsi carte blanche de Charlier, je réfléchis à un point de départ pour une série d’humour et d’aventures.

Quand j’étais plus jeune, mon père avait un ami qui était parti vivre en Polynésie, et qui nous rendait parfois visite lors de ses rares passages en Métropole.
Il rapportait avec lui de longs colliers de coquillages - dont j’ai toujours quelques fragments - et de fabuleuses histoires de sa vie à Tahiti. Il me faisait rêver quand il décrivait son quotidien. Il vivait dans une case près d’une plage et n’avait qu’à se lever le matin pour se jeter directement dans l’Océan. Un mode de vie qui ne pouvait que faire fantasmer nous autres pauvres Parisiens, qui n’avions que très rarement la chance de nous offrir des vacances loin de la pollution, du trafic routier et du vacarme des klaxons !

C’est en pensant à cet ami de la famille que j’ai imaginé Norbert. Chef de la publicité dans une petite agence parisienne, il est l’incarnation du Parisien stressé qui frise en permanence la dépression nerveuse. Il est en particulier allergique au bruit, et ne reçoit guère que des factures contrariantes et des visites de fâcheux, ce qui l’a rendu un brin paranoïaque et totalement misanthrope.

Au beau milieu d’un embouteillage parisien, il craque. Il fait ce que l’on appellerait aujourd’hui un burn-out, et décide de tout quitter et de partir pour une nouvelle vie à l’autre bout du monde, en Polynésie.
Là, il espère retrouver une vie en harmonie avec la nature et les vraies valeurs. Il va au devant de sacrées surprises ! Mais c'est à Taaratatah qu'il rencontrera Kari, un jeune garçon aussi fasciné par la vie en Métropole que Norbert est attiré par l'exotisme d'une Polynésie idéalisée.

Tous ceux qui ont plaqué leur boulot et déménagé à la suite de l’épidémie de Covid, dans ce mouvement de révolte que l’on a surnommé « la grande démission », comprendront parfaitement le ras-le-bol de Norbert.
Qui aurait pu croire que soixante ans jour pour jour après la parution du premier épisode de Norbert & Kari, ce sujet puisse se retrouver à tel point d’actualité ?!

Le tout premier épisode de la série, TAITOUAMOTUS L’ATOLL DU SILENCE, est paru le 18 juillet 1963, dans le journal Pilote n°195.

Quant au titre de la série, NORBERT ET KARI, s’il comporte en tout 13 lettres, ce n’est pas un hasard : le 13 a toujours été déterminant dans mon parcours professionnel et personnel, et j’avais envie de donner à ces deux personnages toutes les chances de succès.

Norbert & Kari connaîtront ainsi 9 albums et une quinzaine d’aventures, et de nombreuses traductions qui ont su séduire des lecteurs fidèles, du Brésil à la Croatie, en passant par l’Allemagne, le Portugal ou encore les Pays-Bas.

Nos deux personnages souffleront leurs bougies le mardi 18 juillet, mais pour moi, ils continuent à vivre des aventures débridées au travers d’aquarelles hors du temps, qui évoquent les charmes et les petits travers de Taaratatah, et ils resteront éternellement jeunes et évocateurs d’une époque qui se voulait plus légère, plus optimiste et insouciante.

Alors, bon anniversaire, Kari ! Bon anniversaire, Norbert ! Longue vie à vous deux. Et joyeuse fête à tous ceux parmi nos amis lecteurs à qui cette célébration donnera envie de relire la série.